Intituler un film de vampires « Ellen » n’aurait pas le même impact que « Nosferatu ». Pourtant, la nouvelle version de Robert Eggers se distingue précisément par sa manière de traiter ce personnage. Dans le film muet de 1922 de F.W. Murnau, Ellen est présentée comme une victime consentante, agissant au service de son mari. Dans le remake de 2024, interprété par Lily-Rose Depp, Ellen cherche la rédemption pour elle-même.
Attention, cet article contient des révélations sur les versions de « Nosferatu » de 1922 et 2024, y compris leurs dénouements.
Les Personnages Féminins chez Robert Eggers
Dans sa filmographie, Robert Eggers dépeint souvent des personnages féminins complexes, réagissant à des sociétés patriarcales oppressives. Par exemple, Thomasin dans « The Witch » (2015) est une adolescente maltraitée par sa famille puritaine, qui finit par embrasser sa liberté en rejoignant le démon Black Phillip. Dans « The Northman » (2022), la reine Gudrún forme une nouvelle famille avec son beau-frère après l’assassinat de son mari, laissant planer le doute sur ses véritables motivations. Bien que la sirène monstrueuse dans « The Lighthouse » (2019) ne soit pas un personnage à part entière, sa combinaison d’agressivité et de sensualité symbolise l’attrait et le mystère du monde naturel, voire de l’esprit féminin.
Une Ellen Plus Nuancée
Les femmes dans les films d’Eggers suscitent généralement de la sympathie, bien que leurs motivations ne soient pas toujours explicites. Avec le personnage d’Ellen, Eggers rompt ce schéma en offrant une caractérisation plus approfondie. Comme Thomasin, Ellen est une jeune femme dont l’isolement découle d’un environnement familial difficile. Elle se tourne vers un homme plus âgé et maléfique, le comte Orlok, en quête d’attention et d’accomplissement personnel. Eggers, grand admirateur du « Nosferatu » de Murnau, reprend les noms des personnages et conserve de nombreux éléments visuels du film original, tels que l’ombre changeante de Nosferatu. Cependant, cette nouvelle version accorde davantage d’importance aux personnages féminins, leur offrant des moments d’humanité et d’héroïsme, notamment dans le dénouement où le sacrifice d’Ellen est recontextualisé.
Un Sacrifice Réapproprié
Dans le film de 1922, Ellen meurt pour sauver son mari, un acte de courage sacrificiel. Dans la version d’Eggers, Ellen choisit de passer une nuit avec le comte Orlok, non pas par dévotion conjugale, mais pour affronter et surmonter sa propre honte liée à une relation passée avec lui. Son acte final n’est pas une reddition, mais une affirmation de son consentement et de sa volonté de reprendre le contrôle sur sa vie et sa sexualité. Le vampire est dépeint comme un harceleur obsessionnel, refusant de laisser son ancienne amante en paix. En approfondissant le personnage d’Ellen, Eggers la présente comme une femme déchirée par les manipulations de Nosferatu, déterminée à reprendre le contrôle de son corps et de sa sexualité.
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Une Nouvelle Perspective sur le Mythe
Il est intéressant de noter que cette réinterprétation du mythe de Nosferatu par Eggers a suscité des réactions variées. Certains critiques louent la profondeur apportée au personnage d’Ellen, tandis que d’autres estiment que le film n’apporte pas de nouveautés significatives par rapport aux versions précédentes. Par exemple, une critique récente souligne que, bien que le film soit visuellement impressionnant, il manque d’une identité propre et s’appuie trop sur les approches de ses prédécesseurs.
Conclusion
En réappropriant son corps, Ellen devient l’héroïne de sa propre histoire, transformant un acte de sacrifice en une démonstration de consentement et de pouvoir personnel. Cette relecture moderne du mythe de Nosferatu offre une perspective renouvelée sur des thèmes intemporels, tout en rendant hommage au classique de Murnau.